Elle est à toi, cette chanson, toi le chauffard qui sans façon...

J'emprunte à mon cher Brassens le titre d'une de ses merveilleuses chansons, pour rendre hommage à ce conducteur qui m'a grillé la priorité sur la route tout à l'heure.

Ce n'est pas ironique du tout ! J'étais tranquillement en train d'écouter Milladoiro, un groupe de musique celtique Gallicien, que j'adore. J'étais en route pour mon cabinet, me réjouissant de cette écoute confortable pour les 30 kilomètres que j'avais à faire. J'entre dans un rond-point, je suis très engagé, proche de ma sortie, que j'indique par mon clignotant... et un conducteur pressé me passe sous le capot, si près que je dois freiner pile, au risque d'être embouti par la voiture qui me suit. Le second réflexe est d'écraser l'avertisseur du plat de la main pour fustiger cet incivil, qui est déjà loin et ne m'entend peut-être même pas.

D'ordinaire, je suis plutôt calme et posé au volant, laissant volontiers mon tour de passage quand d'autres le forcent, sans en être incommodé outre-mesure. Ici, quand même, après coup, je reviens sur ce qui s'est passé. Ma sécurité a été mise à mal par un fou du volant, et je me sens … comment dire... contrarié ? En colère ? Non, pas de la colère. Plutôt de la déception, de penser que d'autres se soucient aussi peu de la sécurité de leurs congénères. En tous cas, un peu bousculé émotionnellement ; je sens comme des vaguelettes qui s'agitent à l'intérieur, pas un grand remous, plutôt un petit clapot. J'en ai conscience, je l'accueille, je l'accepte.

Continuant à rouler, je pense aux raisons qui ont pu pousser cet être humain à agir de la sorte. Et je me souviens qu'il y a quelques mois, dans un cortège de voiture, lors d'un mariage, à la recherche du lieu de fête, pour ne pas perdre de vue ma voiture-guide, j'avais moi aussi coupé un peu la route à une autre voiture dans un rond-point, sans mettre en danger la circulation. Finalement, je suis un peu comme lui, me dis-je... Il a ses raisons comme j'ai eu les miennes. Puis, je pense qu'il y a sur cette terre des personnes simplement pas concernées par les autres. Et, là, je me dis que si c'est le cas, je ne me sens finalement pas comme lui.

La musique a repris ses droits dans l'habitacle. Je relativise. Que s'est-il passé vraiment ? Un obstacle soudain m'a obligé à freiner un peu vite, mais je n'ai pas été en danger, ni personne d'autre. Il ne m'est rien arrivé de plus fâcheux que de réveiller un instant mon amour-propre... Je décide de revenir à cet état du plaisir d'écoute. Je n'y peux rien, si cet homme m'a coupé la route. C'est arrivé, c'est ainsi...

Par contre, maintenant, je peux décider, j'ai le choix de revenir au calme intérieur, et de constater que cela m'est aisé. J'ai progressé, c'est une bonne opportunité pour m'en apercevoir...

Alors, oui, elle est à toi, cette chanson, toi le chauffard qui sans façon, m'a coupé la route...